jeudi 19 février 2009

Loulou

Tu sais, Loulou, ton papa n'est pas très doué.
Il a pas toujours la tête à l'envers, mais très souvent.

J'espère que ça te va, comme on se voit. Je ne suis là que deux soirs par semaine... Une après-midi, par-ci par-là.
Ca fait pas beaucoup, beaucoup... Et en plus, des fois je suis fatigué.
Mais si tu savais comme je veux que ce soit bien. Que tu sois bien.

J'ai un peu oublié ce que c'était d'être petit, et je sais pas être grand pareil que maman. Mais je suis content. Content de t'entendre parler, de te voir apprendre des choses, jouer... Je suis content quand tu m'écoutes te raconter une histoire du soir. Je suis content d'être ton papa.

J'ai voulu être ton papa dès le début. J'ai voulu que tu aies une très bonne maman. J'ai pas fait tout ce que font les papas, mais j'ai fait très attention de faire des choses biens.
Il y a des choses que je fais pas si on me le demande pas. Pourquoi il faut que tu me demandes ? C'est compliqué... Je peux te dire que je suis un monsieur timide mais pas peureux, alors tu pourras me demander beaucoup...

Je sais pas si on se parlera facilement, tous les deux. Je l'espère, vraiment très fort. J'ai parfois du mal à commencer à parler, et après je parle un peu trop bien, comme si je lisais.
Mais même si on y arrive pas, même si un jour tu penses que je suis un monsieur bête... Je voulais te dire que je suis heureux avec toi. Que tu es la plus géniale des petites filles. Même si je suis pas toujours là, pas facile à voir... Je suis là, dans le coin, et quand je peux, je te tiens la main.

J'ai plein de choses et de gens à te montrer... Comme je suis un papa planeur, c'est un peu long à venir. Mais promis, je te montrerai tout ce que je peux.

dimanche 8 février 2009

Ha. Oui. Hmm. Je vois.

"S'il est un fait étrange et inexplicable, c'est bien qu'une créature douée d'intelligence et de sensibilité reste toujours assise sur la même opinion, toujours cohérente avec elle-même. Tout se transforme continuellement, dans notre corps aussi et par conséquent dans notre cerveau.


Alors, comment, sinon pour cause de maladie, tomber et retomber dans cette anomalie de vouloir penser aujourd'hui la même chose qu'hier, alors que non seulement le cerveau d'aujourd'hui n'est déjà plus celui d'hier mais que même le jour d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier ? Être cohérent est une maladie, un atavisme peut-être ; cela remonte à des ancêtres animaux, à un stade de leur évolution où cette disgrâce était naturelle.

Un être doté de nerfs modernes, d'une intelligence sans œillères, d'une sensibilité en éveil, a le devoir cérébral de changer d'opinion et de certitude plusieurs fois par jour.
L'homme discipliné et cultivé fait de son intelligence les miroirs du milieu ambiant transitoire ; il est républicain le matin, monarchiste au crépuscule ; athée sous un soleil éclatant et catholique transmontain à certaines heures d'ombre et de silence ; et ne jurant que par Mallarmé à ces moments de la tombée de la nuit sur la ville où éclosent les lumières, il doit sentir que tout le symbolisme est une invention de fou quand, solitaire devant la mer, il ne sait plus que l’Odyssée.

Des convictions profondes, seuls en ont les êtres superficiels. Ceux qui ne font pas attention aux choses, ne les voient guère que pour ne pas s'y cogner, ceux-là sont toujours du même avis, ils sont tout d'une pièce et cohérents. Ils sont du bois dont se servent la politique et la religion, c'est pourquoi ils brûlent si mal devant la Vérité et la Vie.

Quand nous éveillerons-nous à la juste notion que politique, religion et vie en société ne sont que des degrés inférieurs et plébéiens de l'esthétique — l'esthétique de ceux qui ne sont pas capables d'en avoir une ? Ce n'est que lorsqu'une humanité libérée des préjugés de la sincérité et de la cohérence aura habitué ses sensations à vivre indépendantes, qu'on pourra atteindre, dans la vie, un semblant de beauté, d'élégance et de sincérité. »

Fernando Pessoa, Chronique de la vie qui passe, 1915



Volé sans honte chez des gens qui ont une meilleure connection que moi.