Pour découvrir cela, je suis allé voir un bobolatête. Pris au hasard dans l’annuaire de l’assurance maladie.
Après que je lui aie résumé
1) mon manque de motivations
2) mon manque de concentration
3) ma misère libidinale
il m’a dit qu’il préférait ne pas travailler avec moi. Parce que cela entretiendrait ma dépendance, et que le seul qui pouvait trouver comment aller mieux, c’était moi.
C’est désappointant de se faire refuser l’assistance d’un médecin compétent, et de recevoir de lui le même conseil que celui professé, depuis ta puberté, par tes potes, tes profs, tes supérieurs hiérarchiques et occasionnellement les journaux féminins. Heureusement que ce médecin à 90 € de l’heure m’a fait un prix, et surtout, a poussé son diagnostic plus loin. Jusqu’un point intéressant, si ce n’est inédit.
Un de mes problèmes récurrents a toujours été ma tendance à la rêverie. Je suis dans la lune. Le monde réel m’emmerde, il manque de finesses, d’harmonie, de bien-être. Mon refuge sélénite est devenu ma résidence principale, et en sortir pour me confronter aux loyers et à la bêtise de la société libérale « non Siesta-centrée » s’avère de plus en plus douloureux. C’est une rêverie mégalomane, où tous et toutes, oh oui toutes m’aimeraient, m’admireraient. Je n’ai pas construit un monde précis, avec sa logique interne : c’est juste « ah, si tout se passait au mieux ». Et je vis la moitié du temps dans cette hypothèse de bien être : quand je rêve, au travail, en société, chez moi, je n’ai pas les yeux dans le vide, je me vois superbe dans ce miroir chimérique.
Je ne suis pas un grand écrivain, un acteur culturel central et apprécié, un play-boy, un leader politique. Je ne le serai jamais. En avoir conscience n’a pas bridé mon imaginaire. Pourquoi l’aurait-il fait ? J’étais bien sur ma lune, je ne faisais de mal à personne, j’arrivais plus ou moins à survivre… De mal en pis, mais ça pourrait tenir.
Mais j’angoissais toujours, je n’arrivais pas à m’insérer dans le système, dans la société réelle, et je n’en avais aucune envie. Or le monde, quand il écarte les indécis et les marginaux, c’est pour les pousser dans le désert, le vide. Il n’y a pas de ressources en dehors de l’usine, seulement les différents échelons de pauvreté ou de misère.
Ce que j’ai compris récemment, c’est que je confondais travailler dans l’usine et essayer d’y avoir une place honorable. Ma référence de l’honorable mélangeait le modèle familial (milieu aisé, sans lien avec l’élite contemporaine) et mes propres projections mégalos sur le sentiment de réussite. Sauf qu’en fait… Je suis sans ambition. Le défaut de mes rêveries, c’est de me faire oublier cela aussi.
Certes oui puisque néanmoins, j’ai des plaisirs qui ont leur coût. La survie a son coût, de toute façon. C’est dommage que la civilisation ne soit pas moralement capable de dépasser ce stade d’animalité, mais c’est un autre débat.
J’ai des désirs, mais ils sont petits ; je n’ai pas besoin d’arriver, ni d’être grand et beau. Vaquette justement… Citons donc un des piliers de mon surmoi. Qui n’est pas n’importe quel comptoir.
« Le bonheur, c'est de tendre vers un but, et plus ce but est difficile d'accès, plus le bonheur est grand. Le désespoir naît, essentiellement, de la dichotomie entre une ambition, une prétention, et la réalité, ou plus exactement, une perception, cruelle, de cette réalité. L'un des traits marquants de la nature humaine est de toujours désirer ce qu'elle n'a pas. Aussi, un but inaccessible est-il, potentiellement, une source éternelle de bonheur ».
On a le choix entre s’élever vers le but, ou abaisser le but à son niveau. J’ai toujours cru, toujours voulu croire que c’était la première option qui m’apporterait quelque chose. Qui songerait à remettre en cause la noblesse de cette maxime ? Pas ceux qui ne se l'appliquent pas ! Et moi, moi, me dire et me croire concerné ne pouvait que me grandir… Non ?
Non. Cet letmotiv résume sans doute certaines belles (et bonnes ?) natures, mais pas la mienne. Et autant me tromper sur mon cas a rendu la dichotomie entre perception cruelle de la réalité et rêve immense, épuisante, paralysante.
Mon désir de ce que je n’ai pas n’est pas un moteur puissant. Je n’ai pas un métabolisme bourré d’adrénaline et de testostérone, la compétition m’est étrangère comme à d’autres la Foi ou la mélancolie. J’abaisse mes buts à mon niveau. Et immédiatement, écrire une lettre de motivation, organiser une soirée, décider comment vivre sans le soutien de mon père, écrire autre chose que mon nombril… Tout est accessible, tout a perdu son potentiel vertigineux. Le ciel ne menace plus de m'écraser, de m'envertiger. Je peux encore aller vers l'obstacle : il perdra toute nature olympienne, grand ou petit, il sera Siesta-mesurable.
Je peux avancer, les yeux sur mon chemin, mon imagination ne sera plus une boussole folle, mais la chanson qui rythmera mes pas. Aussi légère, superficielle ou dissonante soit-elle.
lundi 13 octobre 2008
Je suis un mégalo sans ambitions
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4 commentaires:
Dur, ce qu'a fait le psy. Mais c'est vrai qu'ils ont toujours loisir de refuser (en général c'est plutôt parce que ta problématique frotte de trop près la sienne, peut-être n'a-t-il pas voulu le dire !).
Pour moi, après 3 ans de psychothérapie : la bonheur c'est de remettre le surmoi à sa juste place, le faire taire si besoin... Il peut être vaguement utile pour peser le pour et le contre d'une grande décision, comme un avis extérieur, ni plus ni moins.
Et ces histoires d'amour de la compétition comme modèle de vie, j'ai comme l'impression (vu d'ici) que c'est encore un coup de ton surmoi !
Mon surmoi a toujours été un peu trop présent, et sarcastique.
Il est temps que je lui rappelle son ridicule, et son inefficacité.
Je renégocierai notre partenariat plus tard, une fois qu'un nouveau statu quo se sera installé !
P'tain, déjà que je me méfiais des psys, si en plus ils te répondent "démerdez vous" quand tu leur dis "le monde réel n'a aucun intérêt, la famille et le travail j'en parle même pas, les gonzesses c'est que des emmerdes, j'fais quoi docteur ?" :]
M'enfin pour le coup, tout en adulant Vaquette comme le premier duduche dark venu (j't'en foutrai du duduche, 'culé), j'ai très vite décidé qu'être petit et beau me suffisait amplement. La compétition, le nique-toi-j'fais-mieux-qu'toi, j'ai jamais bien compris le deal non plus, soit tu gagnes contre des mauvais (par définition), soit tu perds contre des mecs trop forts pour toi et ca te mine. Et au final, rien à battre de ce que fait le mec d'à côté, c'est pas lui qui juge, c'est Moi, et que Moi.
Le coup du CV, de l'indépendance, d'écrire plus d'un article par trimestre, à mon sens (ou plutôt, dans mon cas) c'est moins une question de "tu vas t'planteeeer... eh bah voila, tu t'es planté." que de "pfff, relou quand même, ca fait beaucoup d'efforts pour pas grand chose, j'vais plutot finir Assassin's Creed/Snow Crash/L'attaque de la moussaka géante."
Se bouger l'cul n'est pas une mince affaire, quand on n'a pas d'autre ambition que d'être peinard, on n'en sort pas. Mais comme d'hab', tu m'préviens si tu trouves en premier :)
Ce que j'aimerai savoir, c'est si une fois que j'ai reconnu que j'ai pas envie de me bouger le cul, ou disons pas au delà d'une amplitude réduite, est-ce que ça va pas me décomplexer pour me bouger le cul si je veux.
Perdre contre des plus forts ne devrait plus me miner, une fois que j'ai vraiment admis que je ne jouais pas dans la même catégorie, et pas du tout au même jeu en plus.
Est-ce que, plus près du plaisir de faire un truc par plaisir pas pour gagner du blé, je le ferais avec entrain ou j'approfondirai ma relation avec canapés et literie...
Effectivement, chercher la pulsion d'action du mec peinard, c'est la quadrature du cercle... C'est probablement une forme de reconnaissance fanfaronne, un truc qui permettrait d'affirmer aux multitétrathlétes compulsifs "tu rateras toujours quelque chose qu'une moule de canapé peut obtenir".
Je te tiens au courant...
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