mardi 6 mai 2008

Tombé au champ d'erreur

24/04


Cher Ray Zo,


Journal :


Voilà, je vais être viré / démissionner. C'est inattendu sans être surprenant. Trop indolent, trop familier, pas assez sérieux pour le poste, on ne me l'apprend pas.

Concrètement, ce qui me pend au nez c'est une faute grave, que je ne pense pas avoir réellement commise, mais il suffirait probablement de souligner l'une des nombreuses petites fautes répétées qui pourraient conduire à la faute grave ou à l'incident. Et ce n'est pas à moi, apparemment, de juger de la définition de grave. J'ai pleuré à la fin de la convocation.


Là, je n'angoisse pas encore, mais ça ne saurait tarder. Matériellement, je ne suis dans doute pas en danger réel. Sécurité matérielle familiale, a défaut de bien-être. Mon père ne me fera sans doute pas de sale coup, et me soutiendra probablement le temps que je retrouve un revenu (et pourquoi pas un boulot où je me sente utile, tiens, rêvons).

Je ne sais pas dans quoi chercher. Un poste de clerk de bureau… Idéalement dans un environnement pas trop formaliste, histoire de passer un peu à autre chose.


Le plus difficile, même si ce n'est pas ce qui est le plus instantanément ressenti, c'est de me sentir une fois de plus en inadéquation avec les mœurs les plus admises de la société.

J'aimerai bien plus de fierté réconfortante - la fierté sert-elle à autre chose ? - mais ce n'est pas le cas. En moi se joignent une sensibilité égotiste irréductible et l'indécrottable et poisseux désir d'être accepté.


Alors, oui, il y a de la fierté. Pas au point d'avoir fait exprès de ne pas convenir, pas au point de ne pas me remettre en cause. Fierté fallacieuse, tirée de la prophétie auto-réalisée "je ne suis pas fait pour ça". Je me contenterai bien de vous chanter à ma façon I'm a creep, I'm a weirdo, what's the hell I'm doing here, I don't belong here, un peu de fanfaronade adolescente, mais je n'ai pas tant de caractère.


Je ressens un soulagement gênant : ouf, je n'ai plus à prouver que je suis pas une tache, ils pensent déjà que j'en suis une. Ce sera ça, l'angoisse, quand je me remettrai à chercher : il va encore falloir démontrer le contraire, ou le faire croire. Aux entretiens, puis au quotidien.


C'est ça qui me fatigue le plus, dans un boulot.

Cette tension : masquer ses défauts, savoir que tout à l'heure va tomber une autre occasion d'être jugé. Sans jamais qu'on puisse se reposer sur une ou plusieurs victoires. La machine continuera à tourner, il faut participer sans faillir. Un rouage comme moi est normal quand il fonctionne, mauvais dans le cas contraire. Pas de qualités temporisatrices, de reconnaissance. Ca marche ou tu peux crever.


C'est comme ça.


Voilà, vos idées de sauvetage pour Lagaffe lunaire sont les bienvenues.

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